Sanatorium des Graviers : l’air du bon vieux temps !
Détrompez-vous, la vocation curative d’Enval n’est pas née avec le sanatorium Clémentel, dont la construction fut décidée en 1927, mais 7 ans plus tôt.
En 1920 – le 6 juin pour être précis – le Conseil Municipal décide de transformer l’ancien monastère et sa grange au lieu-dit « Les Graviers » en sanatorium. Pour la petite histoire, la même délibération prévoyait que la commune fournirait une concession d’eau potable. Ce petit détail allait susciter quelques débats 3 ans plus tard : le sanatorium se plaignant de ne pas avoir bénéficié de son quota d’eau auprès de la commune ; celle-ci rétorquant que la sécheresse implacable de l’été 1923 a privé tout Enval de ressources en eau.
Mais revenons à nos « graviers » !
Cette propriété de 18 hectares à fleur de plaine, abritée au nord et à l’ouest par un demi-cirque de montagnes boisées, jouissant du calme inhérent aux lieux éloignés de toute agglomération semblait le cadre idéal de soins et de convalescence.
La Faculté de l’époque voyait dans son altitude moyenne de 430 mètres au-dessus du niveau de la mer, un air sain, moins rare qu’à l ‘approche des sommets, de nature à soulager les nerveux, les dyspnéiques par fibrose( ? !) et autres bougres atteints d’emphysème et d’insuffisance cardiaque. Recommandée également par les médecins : la cure d’air en toutes saisons pour le traitement des affections pulmonaires dont la terrible tuberculose.
Un sanatorium à la pointe de la modernité et du confort
Foin de l’austère maison de santé en vigueur à l’époque !
Certains sont même allés jusqu’à le qualifier de cottage avec sa façade en pierre de taille sur deux étages parcourue de galeries de bois et serti dans un jardin coquet et verdoyant.
Les 50 pensionnaires disposaient chacun d’une chambre spacieuse et confortable, dotée du chauffage central à la vapeur d’eau, de l’électricité, d’une salle de bains ou cabinet de toilette alimentés en eau chaude et froide
Frôlant d’un cheveu le luxe, chaise longue capitonnée, mobilier en bois courbé et vernissé complétaient le tout.
La promiscuité pouvant nuire à une thérapie salvatrice, une porte-fenêtre s’ouvrait sur une galerie particulière à chaque chambre où chacun pouvait inhaler en toute quiétude l’air d’Enval aux si grandes vertus curatives.
Mettant à profit les derniers acquis de la science, le bloc médical couvrait le rez-de-chaussée. Outre les salles de consultation, une salle d’opération moderne et aseptique était vouée à la pratique des pneumothorax artificiels. Dans une pièce attenante logeaient les équipements de radiologie à la pointe de la technologie : radiographie et radiologie du thorax y étaient quotidiennement pratiquées. Enfin, comble du perfectionnement, une pharmacie, un laboratoire d’analyses biologiques et …une « écurie à cobayes » parachevaient cet équipement.
Sus aux bacilles !
A Enval, la tuberculose trépasse !
Les armes de cette lutte sans merci :
-l’aération continue : intensive, jour et nuit, avec de l’oxygène envalois toujours renouvelé et toujours à bonne température grâce au chauffage, -la cure de repos : au lit ou en chaise longue, doublée, sur prescription médicale, d’une cure de silence,
-une alimentation saine et variée réparties en 4 repas quotidiens, médicalement approuvés où liqueurs et alcools forts sont bannis,
-cure médicamenteuse dispensée par les deux médecins résidants,
-la cure d’entraînement : une fois l’épicentre de la maladie jugulé, promenades pédestres et activités de plein air dans le parc borné de sapins et de châtaigniers aidaient les convalescents à reprendre quelques forces.
On ne badine pas avec l’hygiène !
Asepsie optimale, sécurité absolue pour les pensionnaires et le personnel exigeait une désinfection rigoureuse.
Chambres traitées aux vapeurs de formol, matelas étuvés dans les règles de l’art, autoclave engloutissant crachoirs, matériel médical etc.., linoléum, murs, meubles et linges lessivés avec un antiseptique et vaisselle bouillie et passée au carbonate de soude : les microbes et virus de tous poils étaient immanquablement traqués ; mêmes au sein des eaux résiduelles, elles aussi épurées…avant d’être déversées dans un ruisseau local ! ! !
Fort de ses promesses de guérison, de son confort et de son équipement, de sa situation climatique et géographique idéale, le sanatorium des Graviers attira moult patients venus chercher à Enval la fin de leurs tourments.
De nombreux ouvrages et annuaires médicaux en faisaient alors la réclame avec de nombreuses photographies des attraits d’Enval et des environs.
Pensez donc, à seulement 7 heures de train de la capitale en empruntant la ligne du PLM, en pleine campagne, au cœur d’une des régions les plus pittoresques et les plus salubres de France !
Médecine des corps et félicité des cœurs…
Tous ces effets conjugués aux charmes des alentours furent plus souvent qu’on ne l’imagine le fertile terreau de l’amour. Sur les chemins de la convalescence, certains et certaines ont rencontré l’âme sœur, Daniel avec Michèle et bien d’autres…Une fois leur destin scellé par les liens du mariage, certains ont franchi les portes du « sana » pour gagner leur nouveau foyer envalois.
En 1950, le sanatorium deviendra Hôpital militaire avant d’être reconverti en la résidence de vacances que nous connaissons aujourd’hui : la Maison Familiale des Armées IGESA « Les Graviers ».
A noter que les décrets du 26 avril 1924, 23 mai 1929, 3 avril 1930 et 29 mars 1932 ont érigé Enval en station climatique puis, station climatique de cure le 11 mai 1939 par Albert Lebrun, Président de la République.